10 jours sans télé ni jeu vidéo

Se priver de télé et de jeux
vidéos pendant 10 jours? Un véritable exploit olympique que des
jeunes, habituellement branchés au petit écran entre 20 et 30 heures
par semaine, tenteront de relever.

NDLR : L’auteur de l’article suivant, Jacques Brodeur, fait
partie de l’organisme EDUPAX. Il explique d’où est venue l’idée de
la création du DÉFI 10 jours sans télé et fait état des premiers
constats suite à la première année d’expérimentation. En 2004, c’est
du 20 au 29 avril que le DÉFI, organisé par l’Association des
comités de parents de la région de Québec, aura lieu. Saurez-vous le
relever?
Viser la source
L’augmentation du nombre d’enfants aux prises avec des troubles
graves du comportement combinée à la hausse du taux de criminalité
juvénile a favorisé l’apparition de programmes de prévention de la
violence, aussi nombreux que variés, dans toute l’Amérique du Nord.
L’un de ces programmes, EDUPAX, a ciblé l’influence de la télévision
comme facteur majeur d’augmentation de la violence physique et
verbale
Dans un article du Monde diplomatique intitulé « Malaise
dans l’éducation » on peut lire : « Le laminage des enfants par la
télévision commence très tôt. Ceux qui arrivent aujourd’hui à
l’école sont souvent gavés de petit écran dès leur plus jeune âge,
(...) jusqu’à cinq heures par jour, (...) avant même d’apprendre à
parler. L’inondation de l’espace familial par ce robinet constamment
ouvert, d’où coule un flux ininterrompu d’images, n’est pas sans
effets considérables sur la formation du futur sujet ».
Les émissions, films et jeux vidéo qui alimentent l’imaginaire
des enfants nuiraient à leur développement mental et physique. En
effet, la télé glorifie des héros qui règlent les conflits par la
violence. Elle provoque des cauchemars, d’où une détérioration de la
qualité de sommeil. Elle remplace l’activité physique, d’où
l’augmentation des cas d’obésité. L’influence de la violence à la
télé est connue, vérifiée scientifiquement et abondamment documentée
(voir références à la fin de l’article). Pas étonnant que plusieurs
adultes se sentent dépassés.
Tendance réversible?
Conscient des milliers d’études sur l’influence nocive de la
téléviolence, curieux de savoir si cette influence était réversible,
Tom Robinson, professeur de médecine à UCLA, a tenté une expérience
avec des élèves du primaire de San José, en Californie. Il les a
rencontrés à plusieurs reprises et les a préparés à accepter de se
priver volontairement de télé et de jeux vidéos durant 10 jours.
Pour mesurer l’impact, il a pris soin de quantifier la violence
physique et verbale à 3 reprises : avant de rencontrer les enfants
pour la première fois, immédiatement après les 10 jours et 20
semaines plus tard. Résultat? Réduction de la violence verbale (50
%) et de la violence physique (40 %). Il a aussi noté que les
enfants au comportement le plus troublé ont accompli les progrès les
plus importants. En plus, il a aussi noté une réduction
significative de… l’obésité.
Californie-Québec, même combat
Curieux de savoir si un régime similaire aurait les mêmes vertus
dans leur milieu, le personnel de l’école Chanoine-Côté, à Vanier
(faisant maintenant partie de la nouvelle ville de Québec), s’est
réuni à deux reprises pour peser le pour et le contre. On a
finalement décidé d’appuyer le lancement du « DÉFI des 10 jours »
aux élèves. La préparation impliquait trois rencontres avec
l’ensemble des élèves, des ateliers avec les parents et le
personnel. L’accueil n’a pas été uniforme dans toutes les classes.
En 10 jours, les 368 élèves ont réussi à réduire leur consommation
de 4 387 heures au total. Toutes les heures récupérées ont été
comptabilisées. Aux dires de certains enseignants, la réponse des
élèves dépendait en grande partie de l’appui des parents. En 5e
année, le tiers de la classe a réussi l’expérience. À d’autres
niveaux, la participation a dépassé les 80 %.
Plusieurs parents, avec l’aide de la direction de l’école et
autres bénévoles, se sont impliqués avec enthousiasme et ont
organisé, avec des organismes du milieu, diverses activités
alternatives susceptibles de rivaliser avec le petit écran. Vincent
Ruel, représentant de l’organisme Québec en forme, a investi
des énergies importantes dans la préparation de la programmation. Le
soccer et le hockey ont été les plus populaires. « La situation
n’est pas devenue idéale du jour au lendemain, insiste Jean-Arthur
Tremblay, délégué syndical, mais la majorité des enfants et des
parents a entendu la sonnette d’alarme concernant la consommation
télévisuelle. Dans notre milieu, où la télé et les jeux vidéo
occupent une place centrale dans la vie des familles, l’expérience a
été bénéfique pour tout le monde.»
Dans les familles participantes, on a noté un rapprochement entre
parents et enfants. Le Défi a permis à l’école de rayonner dans la
communauté, et a fourni au milieu une occasion de se regrouper pour
supporter l’effort des jeunes. Avantage non prévu, les élèves de
Chanoine-Côté et leurs parents se sont retrouvés au centre d’une
couverture médiatique exceptionnelle. Fait rare, les deux quotidiens
et les trois télédiffuseurs de la Capitale ont couvert l’exploit. «
Dans un milieu comme le nôtre, le rayonnement de l’école c’est
important », affirme Madame Sonia Doucet, directrice adjointe. « En
plus d’améliorer leur estime de soi en tenant tête au petit écran,
les enfants ont attiré l’attention sur leur quartier et suscité
l’admiration ».
Une initiative parentale
En 2003, le DÉFI était animé par Madame Céline Bilodeau,
présidente du Conseil d’établissement de l’école Aux-Quatre-Vents, à
Saint-Malachie (Bellechasse). Selon elle, le fait que le DÉFI des 10
jours ait été lancé par l’Association régionale des comités de
parents (ACP) n’est certes pas étranger au succès obtenu : « au lieu
d’être perçu comme une ingérence du personnel de l’école dans la vie
des familles, le DÉFI est compris comme une opération de
mobilisation collective d’adultes pour appuyer la décision des
enfants. C’est une différence de perspective importante ».
Pour le président de l’ACP 03-12, Marc Desgagnés, la
participation de 10 écoles primaires laisse présager un avenir
prometteur pour le DÉFI. « Nous avons obtenu la participation de 3
écoles dans Charlevoix, 6 dans Bellechasse et une à Québec. Le DÉFI
fournit aux conseils d’établissement et à l’ensemble des parents une
occasion en or de se mobiliser et de valoriser le gouvernement
familial » soutient-il. Le DÉFI a attiré la curiosité d’autres
écoles primaires où l’on souhaite offrir aux élèves de le relever en
avril prochain.
Une seule école secondaire s’est montrée intéressée jusqu’à
maintenant. Il s’agit de l’école Louis-Jacques-Casault, à Montmagny,
où les 950 élèves se préparent à relever le DÉFI en avril 2004.
La réalité pourrait bien dépasser la fiction et les sceptiques
pourraient bien se trouver confondus!
Par Jacques Brodeur
Contactez l’auteur via courriel à
l’adresse : JBrodeur@edupax.org
Informations complémentaires :
Le taux de crimes violents est deux fois plus élevé chez les
jeunes que chez les adultes, selon le ministère de la Sécurité
publique du Québec (Statistiques 2001, p.24)
L’article du Monde diplomatique, novembre 2001.
Des références sur l’influence de la téléviolence sont
disponibles en suivant ce lien.
Tous les renseignements sur le DÉFI sont affichés sur le site www.edupax.org
Le DÉFI se tiendra du 20 au 29 avril 2004. Pour plus d’infos,
communiquez avec Madame Céline Bilodeau au (418) 642-5053.
